Herméneutique et phénoménologie : Le possible et le réel
écrit le: 28 janvier 2015 par admin
C’est la réduction phénoménologique qui avait d’abord ouvert à P. Ricœur toute la sphère de l’expérience pratique et lui avait permis d’en dégager l’essence du « décider », de la « motivation » et du « consentement » qui forment le premier volet de sa philosophie de la volonté. Par là aussi se trouvait introduite une anthropologie qui tirait, de l’enracinement du volontaire dans l’involontaire, l’idée d’un « homme faillible ». Mais cette réduction était présentée d’emblée comme une abstraction : celle précisément des conditions qui transforment une volonté finie en volonté mauvaise, et un homme capable en homme coupable. Une anthropologie phénoménologique dessine sans doute « la sphère neutre des possibilités les plus fondamentales de l’homme », mais elle laisse impensé le point où « la faiblesse constitutionnelle qui fait que le mal est possible » bascule dans le « surgissement » du mal effectivement réel, c’est d’un tel surgissement qu’il n’est plus d’expression qu’« indirecte » et « chiffrée ». S’il faut suivre l’itinéraire rigoureux qui, d’une phénoménologie de la volonté, conduit à une symbolique du mal, c’est pour franchir le fossé qui sépare encore des considérations générales sur la réalité humaine et sur la finitude de l’expérience singulière de la faute et du péché qui est l’objet propre de la morale et de la religion. La faute, sans doute, est une défaillance de la volonté, mais « il n’y a pas d’intelligibilité de principe de cette défaillance » ; c’est pourquoi elle reste « un corps étranger dans l’eidétique de l’homme». En parler comme d’un « saut », d’un « accident » ou d’une « chute », c’est prendre acte de ce défaut d’intelligibilité. C’est mesurer autrement dit, quels que soient les motifs qui psychologiquement l’expliquent et qui ontologiquement le rendent possible, l’absurdité du choix humain.P. Ricœur