La logique, pour quelle philosophie ?
Le rôle de la logique en philosophie est lié à la poursuite d’une tradition dans laquelle la rigueur argumentative est centrale. Ce n’est pas une affaire de doctrine. Dans cette tradition, on peut entretenir toutes les thèses métaphysiques voulues, ou même rejeter fermement la métaphysique. Mais dans cette tradition, on croit à la valeur des arguments, à la formulation précise des thèses, à la recherche de la vérité par la rigueur argumentative. On ne fait pas confiance à un mode de pensée prétendument supérieur qui se passerait des règles de la logique (ou se donnerait une logique tout autre, « authentiquement philosophique ») et l’on se méfie de la rhétorique qui accompagne, généralement, la conviction d’être parvenu à « la pensée philosophique ». Cette prétention peut prendre la forme de l’aphorisme divinatoire, de l’obscurité incantatoire, de l’appel à l’ineffable – et l’idée que le philosophe crée des concepts y participe largement. Finalement, il y a un clivage, peut-être insurmontable, entre la tradition argumentative en philosophie et différentes formes d’irrationalisme apparues dans la philosophie contemporaine. Elles composent une autre conception de la philosophie, courante dans la seconde moitié du xixe siècle, et à laquelle bien des philosophes sont depuis restés attachés. C’est une conception dans laquelle la philosophie interprète le monde en saisissant des intentions indicibles, des raisons inavouables, des causes profondes, et des arrière-mondes. La logique des logiciens semble effectivement ne pouvoir jouer aucun rôle dans une telle entreprise.
La question du rôle de la logique dans la philosophie contemporaine revient à savoir ce que nous pensons être la philosophie et ce que nous attendons d’elle. Donner un rôle prépondérant à la logique, c’est aussi, en général, attendre de la philosophie clarté, rigueur et minutie dans le traitement de questions délimitées, même si elles n’ont rien de modeste, comme celle de l’existence de Dieu.