Platon Parole et écriture philosophique
Les chevaux sont des ânes
Dans la relation de l’intelligible comme modèle au sensible comme copie, le langage est-il du bon côté ou du mauvais ? Est-ce que les mots nous conduisent aux Idées ou est-ce qu’ils ne sont que des conventions arbitraires sans relation avec la vérité des Idées ? Si un peuple décidait d’appeler « ânes » ce que nous appelons « chevaux » et vice versa, son langage marcherait aussi bien que le nôtre (par exemple les chevaliers deviendraient des âneliers, et les ignorants porteraient des bonnets de cheval). Mais la phrase « les chevaux ont des oreilles plus longues que les ânes » serait vraie pour eux alors qu’elle est fausse pour nous. Conclusion : si le langage n’est que convention arbitraire, il ne peut établir que des vérités de convention, artificielles.
Pire que la parole : l’écriture
Encore un mythe platonicien pour expliquer l’origine et la nature de l’écriture : le dieu Theuth apporta au Pharaon d’Égypte l’écriture
comme le remède absolu contre l’oubli des paroles. Pas du tout I répondit Pharaon, c’est le contraire qui se produira : les hommes confieront leur mémoire à l’écriture et perdront la mémoire, ils ne garderont pas en eux-mêmes le véritable savoir mais se fieront aux images de l’écriture. Car l’écriture est comme une peinture d’images qui ne sont pas les choses mêmes, l’idée n’est pas tracée dans les mots. L’écriture d’une pensée vivante n’est qu’un reflet inerte, mort, pas une pensée.
Conclusion générale : pour vraiment connaître, donc, ni langage ni écriture : une intuition, une expérience spirituelle des intelligibles, pas une doctrine fixée en thèses.
Les vertus du dialogue
Pourtant Platon écrit. Mais pas une doctrine fixée en thèses. Platon ne résout pas ce problème, qu’il pose, sur l’opacité du langage et de l’écriture en matière de vérité. Il le contourne.
D’abord en écrivant des dialogues à plusieurs personnages. Pour Platon, la pensée elle-même est un dialogue intérieur de l’âme avec elle-même : elle se pose des questions et recherche des réponses. Le dialogue est la forme même de la pensée qui cherche, encore socratique.
L’invention d’une forme écrite unique
Mais tout n’a été possible que parce que Platon crée une forme d’expression dans laquelle personne n’a jamais réussi à lui succéder tant elle est parfaite. Le dialogue platonicien, la forme de pratiquement tous les textes de Platon, n’est pas seulement composé des paroles d’interlocuteurs.
C’est une œuvre poétique, travaillée avec obsession pour être évocatrice et symbolique dans la moindre de ses parties. Le moindre détail a sans doute un sens, même s’il nous échappe.
De nombreux dialogues sont aporétiques, c’est-à-dire aboutissent à une impasse : on ne parvient pas à la définition recherchée, pas de dogme à apprendre, le lecteur comprend que c’est dans la recherche elle-même qu’il y avait quelque chose à apprendre.
Platon s’exprime par des mythes, nous en avons rencontré quelques-uns déjà. C’est là une forme d’expression philosophique absolument originale, qui suggère mais ne dit pas. Le mythe est, dans toutes les civilisations, une histoire qui raconte une origine et fournit une « explication », imagée, dans une situation complexe ou ambiguë. On peut le concevoir comme une forme de la connaissance intuitive. D’essence poétique.
Vidéo : Parole et écriture philosophique
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Parole et écriture philosophique