L'inénarrable
Une phénoménologie de la souffrance commencera en effet par mettre entre parenthèses toutes les spéculations sur le mal mais aussi toutes les symbolisations auxquelles il a donné lieu dans l’histoire et dans la culture. Elle s’efforcera, après avoir réduit le mal à la souffrance, de réduire la souffrance elle-même à un noyau structurel commun à tous les modes du souffrir et accessible ainsi à une description pure.
Dans quelle mesure, cependant, cette réduction et cette description sont-elles possibles ? Cette question, Paul Ricœur l’a posée il y a une cinquantaine d’années, non sans avoir d’abord renvoyé dos à dos le dogmatisme d’une théologie naturellement encline à convertir le mal en bien et l’athéisme vainqueur d’une pensée trop prompte à s’établir par-delà bien et mal. Et il y a répondu par la révolution de méthode qui devait l’amener à privilégier, à égale distance d’une expérience muette et des grandes synthèses spéculatives, le niveau intermédiaire du mythe et du symbole, où le mal trouve une expression accessible à une méthode d’interprétation très éloignée de la méthode intuitive que parait requérir une phénoménologie.L’inénarrable