Heidegger, l'existence et L'être
Philosophe allemand, collaborateur de Husserl, Martin Heidegger (1889-1976) enseigna à l’université de Marburg et de Fribourg. Il oriente les acquis de la phénoménologie vers une interrogation ontologique et herméneutique. Il eut comme étudiante Hannah Arendt. En 1927, il publie son œuvre maîtresse, Être et temps (Sein und Zeit). Compromis avec le régime nazi en 1933, il sera promu recteur d’université. La politique de “dénazification” des Alliés après la Seconde Guerre mondiale le voit interdit d’enseignement public. En 1947, sa Lettre sur l’humanisme, adressée à Jean Beaufret (1907-1982), rompt le silence. Il enseignera ensuite de 1951 à 1957. Dans les années soixante, il sera régulièrement invité par le poète René Char (1907-1988) à des séminaires en France (séminaires du Thor). L’ampleur de son œuvre a profondément marqué la philosophie contemporaine. Parmi ses œuvres et ses cours, citons Kant et le problème de la métaphysique (1929), Chemins qui ne mènent nulle part (1950), Nietzsche (1946, 2 volumes).
L’analyse de l’existence humaine
Le Dasein
Récusant l’objectivation scientifique de l’homme et l’idée que toute notion de nature humaine puisse être éclaircie par une anthropologie positive de type scientifique, Heidegger s’engage dans une description de l’existence. Il confère au terme allemand Dasein, qui sert à désigner l’existence en général (le fait d’être), le sens très spécifique du mode d’être propre à l’homme. Les choses sont ; de l’homme seul on peut dire qu’il existe. Les choses sont simplement, car elles sont indifférentes à leur être. L’homme existe parce qu’il se rapporte à son être sur le mode de la compréhension et de la possibilité, de l’avoir-à-être. Exister n’est pas simplement être, comme une chose est, sans savoir qu’elle est, mais c’est être et se demander ce qu’être signifie. Pour ce qui est de l’homme, cette question ne se superpose pas à son être : elle est constitutive de son être.
L’ouverture au monde
Heidegger entame alors une analyse du Dasein. Il ne s’attache pas aux comportements individuels mais aux grandes structures ontologiques de l’existence humaine c’est-à-dire aux dimensions de l’être de l’homme. Le premier trait fondamental qui caractérise l’existence humaine, c’est l’ouverture au monde et aux autres êtres. L’existence n’est pas le fait d’un sujet conscient de soi et désincarné mais d’abord le fait d’être situé dans un monde ici et maintenant, hic et nunc, comme disaient les scolastiques médiévaux : je me découvre comme un être singulier existant et lié à un lieu et à un temps, c’est-à-dire une époque.
L’homme, un être hors de lui…
L’existence s’entend aussi comme projection de moi-même hors de moi-même (c’est le sens étymologique du latin existere) vers le monde. Retenant de Husserl que la conscience est toujours conscience de quelque chose (l’intentionnalité), Heidegger affirme qu’elle est toujours ouverture au monde et visée de sens. Elle n’est pas un état mais un mouvement. Je ne peux prendre conscience de moi-même que dans ma relation au monde et je ne peux rejoindre le monde qu’à partir de moi-même. En tant que j’existe, je suis au monde (in-der- Welt-sein ). Je ne projette pas hors de moi ce qui est en moi, mais je suis d’emblée hors de moi, au monde. Ce n’est qu’en me plaçant au niveau de la réflexion abstraite que je puis artificiellement isoler une « intériorité subjective ».
… jeté dans le monde
Cette compréhension originale de l’existence humaine abolit la conception classique et rationaliste du sujet comme un être substantiel, n’ayant besoin de rien d’autre pour exister, prenant conscience de lui-même dans la suspension de son rapport au monde – tel le cogito de Descartes. Elle abolit également la conception d’un être constitué d’une âme et d’un corps, c’est-à- dire un être composé d’intelligible et de sensible, un animal rational selon la définition philosophique canonique. L’être-au- monde est un ; la conscience est incarnée dans cette situation vécue et cette ouverture au monde. Heidegger appelle souci (Sorge) la structure générale de l’existence. Il dénonce la conception du sujet classique comme une pure présence à soi toujours identique à lui-même. L’être-au-monde caractérise l’existence. L’homme est jeté dans le monde et existe toujours comme projet de soi.
Une existence dans le temps
La question de la temporalité
Dès lors que l’existence est projet, le temps prend une importance fondamentale.
Cependant, il n’est pas question ici du temps scientifique spatialisé qui étale le long d’une ligne des instants ponctuels sans épaisseur, sans durée vitale. Une telle compréhension théorique privilégie le présent. Le temps est décrit comme le passage de l’avenir – qui n’est pas encore – se déversant dans le présent et devenant à son tour passé – qui n’est plus. Heidegger insiste au contraire dans sa description sur le fait que le sujet est toujours en devenir, ouvert au monde, toujours affecté par la différence, dans l’incapacité d’échapper à la marque de l’altérité. L’avenir prime sur le présent dans l’expérience temporelle du Dasein.
L’être pour la mort
Si l’existence, puisqu’elle est projet, est toujours soucieuse de l’avenir, elle se déploie selon une temporalité finie, c’est-à- dire à partir de la mort. Mais celle-ci n’est plus pensée comme le terme “extérieur” à la vie, mais se voit reconnaître le statut d’une dimension fondamentale de l’existence.
C’est pourquoi la mort quoique le moment du décès soit indéterminé -est une dimension fondamentale de l’existence.
Comment la mort pourrait-elle être une dimension de l’existence ? On ne peut faire l’expérience de sa propre mort. La mort, pour moi, c’est d’abord la mort des autres. Cependant l’expérience du deuil de l’absence du défunt – n’est pas celle de la mort. Le deuil est l’expérience d’une perte irréparable. Il n’est pas encore une expérience de la mort.
L’être pour la mort désigne le devancement que l’être a de sa disparition irréductible, la conscience de la possibilité de l’impossibilité de son existence. Assumer cette dimension de l’existence, c’est s’interroger sur le sens que peut avoir pour nous la possibilité de notre inexistence. Heidegger précise encore que ce n’est pas dans la vie quotidienne, où nous vivons inauthentiquement comme si nous n’allions jamais mourir, que nous pouvons accéder à cette conscience, mais dans l’expérience si singulière de l’angoisse. Il ne s’agit donc pas d’une pensée pessimiste mais d’une reconnaissance de la mortalité et de la temporalité finie de l’existence humaine.
Qu’est-ce que l’être ?
Un renouveau de la réflexion philosophique
Après Etre et temps, Heidegger va orienter sa philosophie vers le sens de l’être. Ce tournant explique la position singulière de la pensée heideggérienne dans la famille des philosophies existentielles. En quoi consiste une telle méditation ? Elle n’est pas « la simple affaire d’une spéculation en l’air sur les plus générales des généralités » mais « la question tout à tout la plus principielle et la plus concrète » (Être et temps) de la philosophie. Si cette méditation consiste à s’interroger sur ce qui échappe à l’attention quotidienne de tous, Heidegger propose une réflexion radicale. Il s’interroge sur ce que le mot “être” signifie. Que signifie ce verbe, employé tous les jours, ossature de toutes nos affirmations et de tous nos jugements ? Qu’est-ce que l’être ? Une telle question suppose de distinguer les choses qui sont, ou les étant, et l’être lui-même. Les étant ne sont pas sans l’être mais l’être n’est pas lui-même un étant particulier. Ils ne se confondent pas. Heidegger nomme différence ontologique cette distinction.
L’oubli de l’être
Heidegger soutient que la question de l’être n’a pas été posée par la réflexion philosophique, qu’elle n’est pas encore comprise. Pour Heidegger, l’histoire de la philosophie occidentale (la métaphysique) se caractérise par l’oubli de l’être, de son sens, de sa vérité.
Cet oubli de l’être engage Heidegger à une relecture critique de l’ensemble de l’histoire de la philosophie occidentale, des présocratiques jusqu’à Nietzsche. Il voit dans ce déclin de l’être les racines d’une culture nihiliste qui réduit l’être de l’homme à
une subjectivité souveraine accaparant la totalité du monde et transformant tous les étants en matériaux pour la technique moderne. L’oubli de l’être voue l’homme au nihilisme.
Vidéo : Heidegger, l’existence et L’être
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Une réponse pour "Heidegger, l'existence et L'être"
serge kasiama jc