Heidegger Eclaircir les arcanes
Qui comprend Husserl ?
Dans ses premières recherches, Heidegger appartient à la phénoménologie, fondée par Husserl, son maître. La phénoménologie repose sur une idée du transcendantal sensiblement différente de celle de Kant. Pour elle! la conscience peut se concentrer et se purifier de manière à atteindre son être véritable, ce qui rend possible un retour aux choses mêmes, telles qu’elles se donnent réellement à la conscience, avant toute interprétation par le savoir ou le langage. Pour remonter jusqu à, Husserl invente une technique hyper-abstraite d’analyse de la conscience, une analyse des matériaux transcendantaux… qui laisse dubitatif (sauf les spécialistes de la question, qui disent que, eux, ils comprennent).
Il le fait exprès ou quoi ?
Heidegger a donc de qui tenir dès le départ. En allemand ou dans n’importe quelle langue, une page moyenne de Heidegger est purement et simplement incompréhensible à la lecture. Contrairement aux autres philosophes classiques difficiles, avec Heidegger, même en apprenant le sens des mots et les idées de base de la doctrine, on ne parvient pas à avoir l’impression qu’on avance, qu’on comprend, qu’on voit où il veut en venir. Au point de se demander s’il le fan exprès. La réponse est oui, et en deux sens :
1. Heidegger protège l’accès à sa pensée par une écriture obscure, grandiose, parfois pompeuse, qui la réserve aux seuls initiés. La diffusion culturelle et la discussion rationnelle ne l’intéressent absolument pas.
2. Mais en un sens totalement défendable, la pensée que propose Heidegger est tellement novatrice qu’il n’existe pas de D0ssibiüte
ue chose de radicalement nouveau, pour inventer une forme nouvelle de penser, Heidegger invente une langue, un vrai sous- dialecte de l’allemand, totalement incompréhensible à première lecture, mais c’est normal.
scientifiques ne se privent pas d’inventer des termes qui restent incompréhensibles si on n’a pas étudié la discipline : Heidegger donne à la philosophie (sans le vouloir) ce statut de discipline ultra- technique plutôt destinée à des professionnels.
On ne dit pas merci aux traducteurs
Malheureusement, les traducteurs de Heidegger en français reproduisent le phénomène par son mauvais côté, souvent. Linvention de j termes cocasses pour « traduire » toutes les inventions du Maître passe beaucoup plus mal en français parce qu’elle n’est pas habitée par le même génie philosophique, bien sûr, mais surtout parce que de nombreux traducteurs considèrent que traduire Heidegger c’est en donner sa propre interprétation, réinventer une autre machinerie linguistique qui serait la vérité du Maître, créer sa sous-secte.
Résultat : Heidegger avait tout pour avoir une mauvaise image, et on I lui en fait une pire encore en français.
L’ontologie fondamentale
Prenons les choses par le bon côté :
Heidegger impose une discipline philosophique nouvelle, l’ontologie fondamentale. C’est un dépassement interne de la phénoménologie, qui ne s’occupe plus d’une théorie de la conscience pensante, mais d’une théorie de l’être, plus fondamentale Pue toute théorie de la conscience ou même de l’existence humaine.
Poursuivons en tentant un acte de courage philosophique : plonger dans les arcanes de l’être (latin arcanus . secret, opérations mystérieuses soigneusement cachées).- a Partir des arcanes d’un texte.