La philosophie en France au XXe siècle : Un panorama chronologique
Les philosophes français interrogent au XXe siècle les mêmes événements guerres mondiales, génocides, révolutions, mondialisation que les philosophes étrangers, les mêmes grands courants philosophiques du siècle philosophie analytique, phénoménologie, épistémologie, existentielle et les mêmes bouleversements du savoir contemporain traversent leurs interrogations logique, physique, biologie, sciences humaines. Ces éléments se cristallisent cependant dans des pensées singulières qui s’agencent en des débats particuliers et donnent lieu à une histoire originale.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons que l’évolution et le développement du paysage philosophique d’un pays, qui vit de l’extinction et de l’apparition de problématiques nouvelles, dépendent en partie des traductions des œuvres majeures de la philosophie contemporaine qui s’écrit en langue étrangère, anglaise ou allemande, par exemple. Ces traductions conditionnent l’ouverture de la philosophie française à telle problématique ou tel courant philosophique. Lorsque Ricœur et Lévinas traduisirent Husserl, ils permirent à la pensée française de dialoguer avec la phénoménologie. Des retards peuvent expliquer que certaines problématiques majeures paraissent temporairement négligées en France. À titre d’exemple, il a fallu attendre 2002 pour disposer de la traduction de l’ouvrage majeur de Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, publié en 1956 en Allemagne ; l’œuvre de Hannah Arendt n’aura été pleinement reconnue en France qu’à partir des années 1990 ; la philosophie analytique fut longtemps négligée. Ainsi, la pensée française, nourrie à la lecture d’auteurs étrangers, se développe selon un rythme singulier. Ces dialogues, noués au fil du temps, permettent de rendre compte de la philosophie écrite en langue français à notre époque.
Début du siècle : la prédominance de l’épistémologie
Schématiquement, la philosophie française commence par des pensées qui continuent de faire vivre l’héritage du XIXe siècle – le spiritualisme de Jules Lagneau (1851-1894) ou de Léon Bruns- chvicg (1869-1944), la philosophie d’Alain (pseudonyme d’Émile Chartier, 1868-1951). L’importance de l’œuvre de Bachelard pendant l’entre-deux-guerres marqua l’épistémologie française dans le sens d’une épistémologie historique des sciences (Georges Canguilhem 1904-1995, Jean Cavaillès, 1903-1944, François Dagognet, né en 1924). Henri Bergson (1859-1941) écrit une philosophie de la vie originale.
L’après-guerre : phénoménologie et existentialisme
La Seconde Guerre mondiale bouleversa le paysage. La découverte de la phénoménologie est l’impulsion majeure de l’après- guerre en France. Elle inspire les œuvres de Merleau-Ponty et de Sartre, ancrées dans le courant existentielle qui renouvelle la pensée de la liberté à partir de la prise en compte de la condition humaine.
À partir des années soixante : l’exploration structuraliste
Le structuralisme marque le paysage philosophique des années soixante et soixante-dix. C’est sans doute là une des originalités du panorama de la philosophie française contemporaine. Elle se ressource alors à la lecture d’ouvrages divers publiés à l’étranger dans les décennies précédentes : Freud (psychanalyse), Saussure (linguistique), Mauss et Malinowsky (ethnologie), Weber et
Simmel (sociologie). Les résultats théoriques défendus par ces sciences humaines bouleversent la réflexion philosophique sur l’homme et la société. Dans son sillage, des auteurs atypiques écrivent des œuvres remarquables : Gilles Deleuze (1925-1995), Michel Foucault (1926-1984), Jacques Derrida (1930-2004).
Depuis les années quatre-vingt : questionnement du champ politique, du droit, de la morale
Enfin, à partir des années quatre-vingt, les événements de l’histoire – l’effondrement de l’URSS, la “fin des idéologies”, la multiplication des génocides, les bouleversements sociaux – donnent progressivement plus de poids aux problématiques politiques et morales, auparavant captées par la problématique marxiste (Henri Lefebvre, 1901-1991, Louis Althusser 1918- 1990, Cornelio Castoriadis, 1922-1997), renouvelées à partir d’œuvres aussi différentes que celles de Rawls ou d’Arendt (voir chapitres 10 et 11). La réflexion sur le droit, et sur les droits de l’homme en particulier, prend le pas sur la philosophie de l’histoire. Comme, en un sens, tout le XXe siècle s’est bâti “contre” le rationalisme intégral et la philosophie de l’histoire de Hegel, une redécouverte de Kant marque également la période. L’avènement de la culture de masse et de la société de consommation amène des œuvres aussi diverses que celle de Guy Debord (1931-1994), Jean Baudrillard (1929-2007) et Gilles Lipovetsky (né en 1944). Claude Lefort (né en 1924) renouvelle la réflexion sur la démocratie.
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