Bergson Philosophie du rire
La question qui ne fait plus rire du tout
Pourquoi rit-on et de quoi rit-on ? Rares sont les philosophes qujfl sont attaqués à une question aussi concrète, c’est-à-dire aussi diffi cile. En éclairant le propre de l’homme, le rire, Bergson démontre à1 quel point la philosophie comprise comme une analyse psychologique est susceptible d’avoir un sens, même à l’âge de la science. ‘
Titi et Grominet sont trop humains
Première observation : le rire concerne ce qui est spécifiquement humain. Lorsque ce sont des choses ou des animaux qui nous font rire, c’est par projection d’une signification humaine.
Fait rire quelque chose d’humain qui justement ne l’est plus, qui semble se figer dans une mécanique : l’avare qui répète toujours la même chose (chez Molière), l’idiot qui commet toujours la même erreur. Le dessin animé use et abuse de cet effet : la manière toujours différente dont la famille Simpson atterrit invariablement dans le canapé devant la télé, la loi inexorable qui fait que toute dynamite allumée par Vil Coyote explosera sur Vil Coyote lui-même et jamais sur Bip-Bip…
Du mécanique plaqué sur du viva
D’où la formule bergsonienne : le rire est provoqué par du mécanique plaqué sur du vivant.
Ramenons à cette analyse, Par exemple, le gag de la peau de banane : lorsqu’un digne passant pose le pied sur ledit objet glissant et s’engage dans un mouvement de I chute plus ou moins spectaculaire, c’est l’irruption de la loi mécanique, des forces et des équilibres, dans le monde de l’humain, du* vivant occupé à suivre ses affaires, qui fait rire.
Les marionnettes sont amusantes parce qu’elles sont une mécanique qui imite la vie, avec, dans Guignol par exemple, une stupidité de répétition parfaitement mécanique,plaquée sur le vivant des gendarmes et des garnements.
Le jeu de mot est lui aussi une mécanique, un automatisme, plaqué sur la vie de la parole. Lorsque le gag vient du fait qu’on prend au propre une expression imagée, ou le contraire, c’est encore la loi : une mécanique d’interprétation se plaque sur la vie réelle, subtile, du langage. Exemple : la classe récite « j’ai perdu mon von tu as perdu ton crayon, il a perdu… » etToto demande: «Madame, où y sont tous les crayons ? ».
Les blagues de type raciste (prenons par exemple les Belges ou les CRS) peuvent encore être caractérisées par le fonctionnement « mécanique » des mêmes supposés défauts, très simples (la bêtise, la paresse…), dont on attend le surgissement tout au long de l’histoire, comme une tension, tension qui se relâche lorsque le fonctionnement mécanique se déclenche. Exemple : on vient d’inventer la machine à faire baisser le Q.I. et on la teste sur un prix Nobel. Après quelques séances, il commence à prendre un accent belge et à terminer ses phrases par « une fois I » En poursuivant le traitement jusqu’à l’extrême, il finit par hurler « Police ! Vos papiers ! ». C’est l’association machinale entre stupidité et belgitude ou police qui fonctionne.
Plus profond
Dans le rire il y a un sentiment de supériorité, à la limite de méchanceté, explique Bergson. Celui dont on rit est humilié, déshumanisé, celui qui rit se sent toujours supérieur à celui dont il rit parce que rire c’est faire apparaître du non-humain, du mécanique, dans l’humain.
Voilà pourquoi on aime rire des puissants, pour rétablir l’équilibre de la supériorité, ou de la déshumanisation. Et derrière le rire se cache Plus que cette agressivité : une forme de pessimisme résigné, que la Nature utilise pour mettre de l’huile dans les frictions entre les humains.
On se souviendra quand même qu’il n’y a de rire que de l’humain, et rien de ce qui est humain n’est simple. Donc rien n’est simple dans le rire.
Vidéo : Philosophie du rire
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