L'idée de théodicée : Athènes et jérusalem
Mais adopter cette présentation ne serait pas seulement avaliser l’idée d’une « intériorisation » progressive du mal dans le sens d’une moralisation conforme avant tout au préjugé qui domine notre culture, ce serait appliquer encore à l’histoire du problème un schéma linéaire que compliquent selon Ricocur la plainte de Job et la tragédie grecque, et que démentent aussi bien la présence de l’argument de la liberté dans la pensée platonicienne, que la persistance de l’argument de l’ordre au sein de la pensée judéo-chrétienne.
C’est dans le mythe d’Er, ainsi, que l’on peut lire une version rigoureuse de ce qu’il est convenu d’appeler, par l’importance que trouvent en son sein les notions de rétribution et de mérite, la conception éthique du mal : après la mort, mille ans durant, selon le bien et le mal que les hommes ont fait, leurs âmes cheminent sous la terre ou dans le ciel, où elles souffrent et se lamentent ou bien goûtent mille plaisirs délicieux » et « visions extraordinaires » ; puis toutes se voient offrir la chance d’une nouvelle vie ; mais celle-ci est conditionnée à son tour par le choix qu’elles feront, soit d’une vie juste, soir d’une vie injuste ; ayant fait le choix d’une vie injuste, elles pourront encore, si elles le veulent, « s’accuser de [leurs] maux », s’en repentir et s’assurer ainsi une « vie aimable » ; mais si, au contraire, elles persistent dans leur injustice, préférant s’en prendre « à la fortune, aux dénions, à tout plutôt qu’à elles-mêmes », elles se priveront définitivement de cette douceur. Que l’ensemble du mythe soit présenté explicitement par Platon
comme la solution du problème soulevé par la prospérité des méchants et le malheur injustifié, qu’il contienne pour des hommes justes « en butte à la pauvreté et à la maladie » la promesse d’une vie nouvelle et puisse « nous sauver nous mêmes si nous y ajoutons foi », c’est ce qui montre que, s’il y a une originalité de la doctrine chrétienne du mal, elle se trouve ailleurs que dans un aiguillent qui n’appartient pas moins que l’argument de l’ordre à d’autres traditions culturelles.
Réciproquement, c’est Augustin, bien qu’il tienne le libre arbitre pour la « cause véritable » du mal et soit à l’origine d’une tradition qui s’épanouira dans le cartésianisme, qui compare l’univers, avec les pécheurs, à « un tableau avec ses ombres » dont une « perspective convenable » permettrait de voir l’« admirable ordonnance », et qui accorde ainsi au deuxième argument une valeur propre. C’est Malebranche, de même, qui affirme que, « pour accorder les contradictions qui paraissent dans les effets de la Providence », il suffit de montrer que Dieu ne peut « proportionner toujours son secours » aux circonstances particulières de la conduite humaine mais « agit et doit agir par des lois générales ». C’est Leibniz enfin qui, pour nier qu’un monde sans le péché et sans les souffrances eût été meilleur, insiste sur le lait que « tout est lied ans chacun des mondes possibles » en sorte que « l’univers est tout d’une pièce » et que chaque chose v contribue idéalement a l’existence de toutes les autres .Athènes et jérusalem