L'existence et le temps :Existence et espérance
Alors qu’une vie toute entière se définit par son passé, son présent et son futur, l’existence elle-même ne peut se jouer qu’au présent. Pour se sentir exister, il faut d’abord être présent à soi, aux autres et au monde. Et ce qui nous blessexlans l’ennui, c’est qu’il manifeste justement un.raggprt négatif au présent Ce rapport s’installe lorsque la conscience, insatisfaite de ce qu’elle vit, ou n’arrivant pas à digérer ce qu’elle a ou croit avoir vécu, se projette dans des temps qui ne sont plus ceux de l’existence mais ceux du regret ou des vaines espérances
Pascal, Pensées, 172, 1670
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de t’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux,
¡1 est inévitable que nous ne le soyons jamais. »
Ce texte met en scène le cercle vicieux d’une conscience qui, incapable d’exister au présent, ne cesse d’osciller entre regrets et espoirs, et qui par cela même ne cesse d’alimenter sa souffrance et son incapacité à exister. Ce n’est donc pas la réalité qui pose ici problème mais le rapport négatif que la conscience entretient avec elle. La conscience se réfugie dans des illusions, ou un passé qui n’est déjà plus parce qu’elle n’arrive à supporter la réalité ; et c’est tout autant parce qu’elle ne la supporte pas qu’elle est malheureuse que l’inverse. Par ce mouvement la conscience fuit littéralement l’existence ; et ne trouvant par cela même plus aucun sens à la vie, se réfugie souvent dans des sens ou des signes irrationnels que lui apportent obsessions, superstitions, ou croyances en tous genres. Et cette conscience, si elle ne sort de cette perpétuelle fuite en avant ou en arrière, finira par mourir sans jamais avoir vécu.
L’existence ne se joue donc qu’au présent. Cela ne signifie surtout pas qu’il faut se contenter de vivre dans l’instant comme si demain n’existait pas, mais manifeste simplement que l’existence ne se définit pas par de simples représentations ou projections mentales mais par des actes et des projets prenant en compte la réalité et permettant d’être présent. Exister en ce sens consiste à se créer sans cesse et par cela même à ne jamais plus être ce quej’on a_été, et pour reprendre la fameuse formule de Nietzsche à devenir ce que l’on est : « Que dit la conscience ? – « Tu dois devenir qui tu es1‘7‘». Exister suppose donc des actes et des projets, suppose d’en finir avec la mauvaise foi et l’égocentrisme qui maintiennent la conscience dans des projections ou des temps qui n’ont rien à voir avec la réalité, ni avec le seul temps où l’existence jour après jour se joue ; le présent. Se mettre ainsi à exister ne devient alors possible qu’en faisant le deuil d’un destin, d’une définition ou d’une essence qui a priori donnerait un sens à notre vie.
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