Les théories de la vérité
La querelle contemporaine entre réalistes et antiréalistes s’est souvent concentrée autour de la notion de vérité. Expliquer la nature de la vérité revient à faire un choix entre des conceptions métaphysiques et épistémologiques – le plus souvent, les deux à la fois. Il existe globalement trois grandes théories (ou familles de théories) :
La théorie de la vérité correspondance
pour laquelle ce que nous croyons ou disons est vrai si cela correspond aux faits, à la façon dont sont les choses. Une théorie de ce genre suppose une thèse ontologique: une croyance est vraie s’il existe une entité appropriée – un fait – à laquelle elle correspond. La vérité tient à son adéquation à son objet.
La théorie de la vérité cohérence
pour laquelle une croyance est vraie si et seulement si elle appartient à un ensemble cohérent de croyances. Cette conception est généralement associée, en métaphysique, avec l’idéalisme (thèse selon laquelle il n’existe que des idées et des esprits). La vérité est affaire de relation entre des croyances.
La théorie pragmatiste de la vérité
pour laquelle la vérité est ce qu’il est utile de croire. Cela signifie que les croyances vraies n’entrent pas en conflit avec l’expérience qui en résulte. La vérité est alors l’utilité cognitive (en vue de la connaissance) pour un agent idéal, placé dans des conditions idéales.
Certains philosophes se sont demandés si nous devons rechercher une définition de la vérité (que ce soit par la correspondance, la cohérence, l’utilité). Premièrement, la vérité est peut-être indéfinissable, comme le sont d’autres termes (« bien », « bon », « connaissance »). Deuxièmement, les termes de « vérité » ou de « vrai » ont-ils la signification profonde que les philosophes ont eu tendance à lui accorder ? Le sens de ces mots semble suffisamment expliqué si l’on dit, de façon générale :
Il est vrai que p si et seulement si p.
Par exemple, si p représente « L’eau bout à 100° », « Il est vrai que l’eau bout à 100°» dit la même chose que «L’eau bout à 100°». Dire qu’il est vrai que p, c’est simplement dire p, et la vérité n’est nullement une propriété substantielle de la proposition p, mais c’en est un trait superficiel ou redondant. On parle alors d’une conception déflationniste de la vérité : la théorie de la vérité ne contient finalement rien de plus que l’équivalence de « || est vrai que p » et de « p ». En particulier, elle a peu d’importance épistémologique et métaphysique. En s’inspirant, à tort ou à raison, de travaux d’Alfred Tarski, un logicien issu de l’école de Lvov- Varsovie, des philosophes ont été conduits à raisonner ainsi :
1. Pour un langage donné L, et pour toute formule q> dans L, le biconditionnel « « (p » est vrai si et seulement si </> ». (« (/? » est une formule générale dans laquelle « <p » peut être remplacée par n’importe quelle proposition.)
2. C’est tout ce qu’il y a à dire au sujet du concept de vérité. La notion de vérité, loin d’être philosophiquement grandiose, serait finalement triviale.
Cette analyse a le mérite de la clarté et de la rigueur, car la notion de vérité est trop souvent l’occasion de beaucoup de confusion (entre vérité, cohérence, correspondance, utilité, voire authenticité et sincérité). L’analyse logique, par son formalisme, apparaît ici éclairante. Elle a l’effet, semble-t-il, de concevoir la vérité en termes du fonctionnement sémantique du prédicat « être vrai » : la vérité est la satisfaction des phrases d’un langage dans un métalangage. Cela pourrait signifier que les angoisses philosophiques au sujet de la définition de la vérité n’ont pas de raison d’être pour peu qu’on dispose d’une analyse logique appropriée de la notion.
Toutefois, cette analyse ne rend pas compte d’un aspect décisif de la notion de vérité : son caractère normatif. Il existe des normes de l’assertion; elles sont liées aux bonnes raisons que nous pourrions avoir de croire et de dire ce que nous croyons et disons au sujet de la réalité. Dans une perspective nietzschéenne, nos vérités sont en fait l’affirmation de certaines valeurs. Dire « ceci est vrai » reviendrait alors à affirmer « Je veux que ceci soit vrai ». Cette forme extrême de relativisme est contradictoire ; car affirmer cela comme vrai, c’est encore affirmer qu’on veut que cela soit vrai, et ainsi de suite. Pascal Engel affirme que : En faisant des assertions, et en disant qu’elles sont vraies, nous enregistrons aussi le fait qu’elles sont valables, c’est-à-dire assertables, et nous admettons implicitement que nos assertions disent le vrai. (1998, p. 55)
La vérité est une norme de nos assertions. Comme le remarquait George E. Moore, une personne ne peut pas affirmer quelque chose, et ne pas croire que ce qu’elle affirme est vrai. (« La porte est fermée et je ne crois pas que la porte est fermée » est un énoncé paradoxal). Notons aussi que si la vérité n’était pas une norme de l’assertion (et de la croyance), nous ne pourrions pas mentir (et cela, indépendamment de la condamnation morale du mensonge).
Vidéo : Les théories de la vérité
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