Le pragmatisme : Une conception opératoire et plurielle de la vérité
Une définition de la vérité tournée vers l’action
Ainsi en va-t-il de la notion de vérité. L’idée de la vérité correspondance est inefficace et inconsistante. La vérité n’est pas simplement la concordance d’un énoncé avec la réalité. Elle doit permettre l’action. Ce qui importe n’est pas de développer des idées universelles mais des idées qui s’articulent dans (ou que prolonge) un dispositif opératoire pour l’action. La signification d’une idée dépend de la conduite concrète quelle suscite. Voilà ce qui permet de rendre nos idées claires. Telle est la valeur d’une idée ou d’une théorie qui « réside uniquement dans les effets concevables qu’elle est susceptible d’avoir sur la conduite de la vie » .
De fait, cette conception de la vérité, articulée à l’action concrète, en plus d’être parfaitement originale, est la racine d’une nouvelle conception du savoir scientifique.
Une critique de l’idéalisme
La compréhension par Peirce de l’activité scientifique aboutit à une critique de l’idéalisme. Selon Peirce, en effet, la vérité n’est pas indépendante du consensus de la communauté des savants ; elle n’est pas détachée du sujet qui la produit, même si le sujet, en l’occurrence, est la communauté scientifique. Elle ne se fonde pas sur la certitude individuelle d’un cogito solitaire. Les théories sont provisoirement acceptées par la communauté des chercheurs. Nous ne doutons pas « en philosophie de ce dont nous ne doutons pas dans nos cœurs »
Par cette formule, Peirce déclare explicitement qu’il n’y a aucune séparation entre notre vie sensible et partagée avec d’autres et nos conceptions scientifiques ou philosophiques.
De plus, l’activité scientifique ne vise pas la vérité absolue de ce que serait la nature en-soi (c’est-à-dire indépendamment de la connaissance que nous en prenons) ; une théorie scientifique n’est pas « vraie » au sens de la vérité-correspondance, elle est vraie au sens où elle permet des conséquences pratiques qui nous satisfont. Par conséquent, la conception de la science de Peirce est aussi “faillibiliste” que celle de Popper. Nos théories scientifiques peuvent être remplacées par d’autres théories plus efficaces ou qui répondront à d’autres problèmes pratiques. Tels sont les deux aspects de l’anti-idéalisme du pragmatisme.
Un empirisme radical
Notre connaissance repose sur l’expérience – le pragmatisme rejette toute théorie métaphysique a priori – et doit s’articuler avec elle. William James (1842-1910) accentuera la pensée de Peirce et donnera au pragmatisme des formules qui feront date.
Il étend à tous les domaines – religieux, moral, politique la conception que Peirce faisait valoir pour le domaine scientifique. Il n’existe donc aucun absolu (Bien, Vérité, etc.) mais seulement des idées adaptatives et utilitaires. Seules l’efficacité et la satisfaction dans l’action comptent réellement.
Rappelons brièvement qui est William James. Après des études longues et discontinues, il devient tardivement un professeur original de physiologie à Harvard où il élargit son enseignement à la biologie, la psychologie et la philosophie. Il publie en 1890 Les Principes de la psychologie, qui présentent la psychologie comme une discipline indépendante, fondée sur la physiologie, et fonde le premier laboratoire de psychologie expérimentale, il se tourne ensuite vers la philosophie et les grandes questions métaphysiques (la liberté, Dieu, le sens de l’existence) en proposant une méthode originale. Il s’agit de partir de l’expérience ri non du fatras des thèses contradictoires empilées au fil de l’histoire de la philosophie. Ainsi, pour la question de la nature de Dieu, James partit de l’expérience religieuse elle-même (Les Formes diverses d’expérience religieuse, 1902). Il en vient ainsi au pragmatisme selon lequel la signification d’une idée est à rechercher dans l’expérience dont elle procède. Citons (les principaux ouvrages de James ne sont pas disponibles en français) : Le Pragmatisme (1907) ; Signification de la vérité (1909).
Sa doctrine, plus radicale, implique également qu’on accepte le pluralisme dans l’ordre moral comme dans celui de la connaissance.
Le pragmatisme prend part dans le débat philosophique de la connaissance et il tranche vigoureusement pour une critique radicale de la tradition philosophique. Renoncer à fonder une vérité absolue au profit d’une conception opératoire et plurielle de la vérité n’implique pas qu’il faille désespérer de la connaissance humaine. Il était important de le préciser, notamment pour les enjeux dans le domaine de l’action et de la morale.
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