Le concept de contre – existence
Proclus sans doute n’est pas Manès : le mal n’est pas selon lui une substance mais un devenir; il est « l’un de ces existants auxquels l’être est échu par l’action d’un autre et non à partir d’un principe qui lui soit propre4-’ »; par nature « instable et changeant », il n’affecte que des réalités elles mêmes instables et changeantes. Aussi n’a-t-il pas toujours été. Pas plus que, pour Socrate, il n’existe une Idée de la crasse ou de la boue, il n’existe selon Proclus une essence de la médian ce té ou de la maladie : le mal ne peut appartenir ni aux dieux ni aux anges ni aux démons ni aux héros dont l’âme est naturellement tournée vers le bien et que leurs passions mêmes, loin de les abaisser, aident à accomplir leur action providente. Il n’y a ni ténèbres ni démesure pour ce qui est en soi Lumière et Mesure. Héritier du système plotinien des trois hypostases, dans lequel l’Un, « puissance de toutes choses », précède l’unité multiple du monde intelligible, d’où procède à son tour par expansion le monde sensible, Proclus affirme la continuité du processus — ou de la « procession » — qui, d’une source unique, fait naître toutes les essences et toutes les existences. Bonne en soi, cette source ne peut, par elle-même, produire que de bonnes choses. C’est pourquoi il n’existe pas de mal pur ni de mal originaire — pourquoi aussi un mal peut être « mal d’un point de vue, bien d’un autre », mal pour les particuliers, bien pour l’ensemble qu’ils composent. L’action corruptrice de la maladie et de la mort est « conforme à la nature totale » et le vice même devient, dans le repentir, « principe de salut ». Si l’on peut dire le mal « éternel dans sa ronde autour de la nature mortelle », ce n’est pas parce qu’il existerait par soi de toute éternité mais parce que, telle l’ombre pour la lumière ou la partie pour le tout, il participe négativement de l’« ordre » éternellement établi dans les choses. En cela il est bon.Proclus