La conscience :vers la conscience de soi
Le Fou et le Rêveur
Pour s approcher de cette notion une première fois, essayons de comprendre que la conscience est ce qui reste quand apparemment il ne reste plus neir Suivons pour cela les pas de Monsieur Descartes et tentons de refaire le chemin que suivit sa pensée dans Les Méditations métaphysiques.
Au départ, et comme souvent, tout commence par un simple constat qui finit par changer même les évidences. Ici, le constat est le suivant et vous 1 avez deja fait : il arrive parfois, par hasard ou non, d’admettre pour vrai ce qui ne 1 est pas en réalité. Habituellement, le constat prend le nom d erreur ou d illusions et les choses en restent là, inchangées et familières Mais avec Descartes, ce constat va être à l’origine d’une des expériences les plus prodigieuses de l’histoire de la pensée, et de la pensée tout court •
L’ experience de la conscience de soi.
Explorons le chemin par nous-même : si j’ai déjà pris pour vrai ce qui ne 1 était pas, comment puis-je, à l’instant même où je lis ces lignes être assure de ne pas être encore dans l’illusion ? Comment être sur de ne pas me tromper ou être trompé ? Et puisque je sais que l’on m’a déjà trompé quelques fois à propos des sujets les plus divers et même parfois au sujetdes sentiments, comment ne pas penser à présent qu’il est possible que je sois dans l’illusion bien plus que je ne le crois. Pour éloigner ce soupçon et éviter qu’il ne se transforme en crise, la solution est simple : il me faut prendre le temps, une fois dans ma vie, d’examiner ce que je sais, ce que je crois ou ce que je crois savoir ; mais cela revient à douter de tout ce que je croyais vrai et même de ce que je pensais faux.
Une vie ne suffirait pas à examiner tout cela ; il me faut donc une méthode qui puisse s’attaquer à la base de toutes mes opinions, à la racine de toutes mes croyances – une méthode radicale. Et de fait, mes opinions, mes croyances et mes préjugés ont un point commun : je les ai eu après avoir vu, entendu, touché ou senti quelque chose, et donc toujours au départ en m’appuyant avec confiance sur mes sens. Douter de tout, c’est donc pour chacun se demander s’il peut faire confiance à ses sens.
Descartes, Méditations métaphysiques, Première méditation, 1641
« Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m’appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions Or il ne sera pas nécessaire, pour arriver à ce dessein, de prouver qu’elles sont toutes fausses, de quoi peut-être je ne viendrais jamais à bout ; mais, d’autant que la raison me persuade déjà que je ne dois pas moins soigneusement m’empêcher de donner créance aux choses qui ne sont pas entièrement certaines et indubitables qu’à celles qui nous paraissent manifestement être fausses le moindre sujet de douter que ¡’y trouverai suffira pour me les faire toutes rejeter. Et pour cela il n’est pas besoin que je les examine chacune en particulier, ce qui serait d’un travail infini ; mais parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l’édifice, je m’attaquerai d abord aux principes sur lesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées.
Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens, ou par les sens : or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. »
Je sais, mieux encore je sens, que mes sens ne sont pas infaillibles : il m’arrive de ne pas bien voir, entendre ou comprendre, et parfois même de confondre certains visages avec d’autres. Il arrive même à certains de prendre leurs désirs pour la réalité – ce que qualifie précisément le mot illusion. Et si j’étais fou, qui me le dirait ? Le véritable fou n’est-il pas celui qui ne s’aperçoit pas de sa propre folie ? Je suis peut-être un fou qui vit dans l’illusion en la prenant pour la réalité. Et même si je ne suis pas fou,comment puis-je affirmer connaître la réalité ? Les choses m’apparaissent maintenant tellement incertaines que je me demande si je ne suis pas en train de rêver tout cela. Et si je suis en train de rêver, je suis aussi le jouet des illusions, et si le rêve dure toute la vie…
On sent bien à refaire le cheminement de Monsieur Descartes que son questionnement est toujours intime et moderne, et qu’il concerne chacun de nous, au plus profond. Il est celui de Néo dans le film Matrix, celui que nous vivons à chaque fois que notre monde vacille. Il est le cheminement personnel qui mène à la conscience de soi. Qu’est ce que cela signifie ?
Cela signifie que pour pouvoir douter (de tout), imaginer (que je suis fou), rever (sans savoir si le rêve s’arrêtera), et être trompé, il faut bien que je sois quelque chose, et plus précisément quelque chose qui pense. Et s apercevoir de cela, c’est pour chacun dans l’intensité et l’intimité de son expérience et de son cheminement prendre conscience de soi et en même temps de son existence : cogito ergo sum.
Descartes, Méditations métaphysiques, Première méditation, 1641
« Mais je me suis persuadé qu’il n’y avait rien du tout dans le monde, qu il n y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps ; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point ?
on certes, j étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si | ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je” ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis I existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce’ ou que je la conçois en mon esprit. »
Vivre et sentir cela, c’est aussi poser deux choses – d’un côté : soi ; de l’autre : tout le reste. L’expérience de la conscience de soi est aussi l’expérience de sa solitude, l’expérience d’une distance infranchissable avec le monde et les autres consciences. Mais c’est aussi cette distance qui permet la différence et le recul. Une différence entre nous tous et un recul envers les choses qui nous entourent. Et l’expérience est sans limite, car même dans la solitude de ma conscience dont je sens l’existence, je ne sais pas encore qui je suis moi qui suis un être conscient.
Il convient donc de se demander à présent si l’on peut se définir par la conscience, ou si au contraire la conscience, propre de l’homme en fait un etre indéfinissable.
Vidéo : La conscience :vers la conscience de soi
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La conscience :vers la conscience de soi
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