Heidegger Impardonnable
Le respect et même l’admiration pour la pensée de Heidegger, pour ce qu’on peut aujourd’hui y apprendre, sont compatibles avec le1 jugement le plus sévère sur l’homme Heidegger.
Rien n’est clair
Heidegger n’est clair sur aucun plan.
Politiquement, il a été séduit par le nazisme, ce qui est une faute, puis il n’a pas renoncé à cette idéologie lorsqu’il était informé de ses pratiques et de ses conséquences, et par la suite il ne l’a jamais reniée
explicitement, jamais formulé de regrets, ce qui est une faute impardonnable.
Philosophiquement, ses textes sont extraordinairement difficiles, sans comparaison possible même avec les philosophes les plus difficiles. Heidegger ne cherche à aucun moment à clarifier sa pensée — cette expression n’a même pas de sens pour lui.
Psychologiquement, il semble avoir mal vécu sa relation avec la religion et sa relation avec le monde moderne dans son ensemble. Sa pensée s’éclaire souvent si on la comprend comme une forme de religiosité, soigneusement dissimulée, en réaction contre la rationalisation du monde moderne (il ne faudrait pas en rester là quand même).
Grand homme, petites choses ?
On pourrait penser que la stature du penseur, aui domine totalement le XXème siècle et qui a incontestablement rénové la philosophie même titre que Descartes ou Kant, doit faire passer au second plan les détails biographiques, les faiblesses humaines. Mais ce ne sont pas des points de détails, c’est une complicité active et consciente dans l’accomplissement de crimes contre l’humanité à très grande échelle. Heiduque n’est pas un grand homme auquel on cherche à reprocher de petites choses.
Petit homme, grandes choses
C’est le contraire : de grandes choses ont été pensées par un homme éthi- quement indéfendable.
Dans la montée en puissance du nazisme, Heidegger a vu l’occasion de devenir très vite un philosophe de première importance, le maître à penser de l’Allemagne nouvelle. Mais cette stratégie carriériste a rapidement échoué, les responsables universitaires et les nazis se révélant finalement imperméables au style de pensée bidegré rien…
Déçu, Heidegger bascule sur un second scénario, celui du grand penseur en marge, il met en scène son refuge dans la Forêt Noire, ses allures de paysan souabe (sa région d’origine), et il délaisse l’université pour des conférences où ne viennent que des initiés. Il publie des ouvrages de moins en moins universitaires et de plus en plus… indéfinissables.
Cette ambiance pas claire explique le phénomène de secte heideggérienne : on est frappé (en fin d’adolescence intellectuelle) Par une sorte de révélation heideggérienne et on se met à parler le Engage mystérieux de Ceux qui savent, en considérant de haut tout Ce qui prétend encore faire de la philosophie en dehors du Maître.