L'abime de la liberté : L'équivoque anthropologique de la pensée Kantienne
L’angoisse,cependant, n’est pas la souffrance(où la liberté se découvre au contraire captive et privée de tout pouvoir). Cette opposition marque, au vin même d’une telle expérience, l’écart sans doute irréductible qui sépare le mal moral du mal physique.Mais la doctrine kantienne du mal radical ne trouve encore ainsi qu’une limite externe. Une autre limite, interne, vient de ce que l’auteur de l’Essai sur le mal radical, alors même qu’il sépare l’anthropologie de la théologie ri comprend la méchanceté comme la pure épreuve d’une liberté se déterminant elle même sans motif, ne renonce pas à «l’espérance d’un retour au bien dont | l’homme | s’est écarté», espérance qu’il fonde dans la supposition qu’un germe de bien demeuré en toute sa pureté n’ait pu être extirpé ou corrompu ( Certes, pas plus qu’elle n’est fermée à ceux qui souffrent, l’espérance n’est interdite a ceux qui pèchent. La démonstration, deux années plus tôt, de « l’insuccès de tous les essais de théodicée », avait conduit Kant à dénoncer avec la plus grandi force l’illusion, propre à la théodicée dogmatique, que « tout est bien », mais l’avait vu aussi défendre avec une force égale une « théodicée pratique que Voltaire, avant lui, avait fait sienne dans la conclusion de son Poème sur le désastre de Lisbonne et qui lui avait permis d’affirmer qu’« un jour, tout sera bien ». Mais que devient cette espérance, si notre penchant au mal « ne peut être extirpé par des, forces humaines »? La question peut être posée d’abord dans la perspective dogmatique que Kant récuse —celle du mythe adamique rationalisé par sailli Augustin —puisque, de la contraction d’une dette « originelle » et « ineffaçable l’homme paraît ne pouvoir attendre autre chose qu’une peine éternelle. Mais elle doit l’être surtout dans la perspective critique que Kant adopte et qui le conduit .1 comprendre par ces expressions : « bon par nature » et « méchant par nature non des dispositions héritées mais des possibles ouverts par la liberté et dont il appartient à l’homme lui même tic faire choix.