La volonté faible : L'intempérance
Qu’est-ce alors qui fait l’homme méchant ? Quelle est, dans la volonté elle- même, la cause du mal ? C’est à ces questions que répond la théorie de l’acrasia. L’homme méchant paraît être principalement, pour Aristote, l’homme intempérant, c’est-à-dire l’homme qui intentionnellement recherche les plaisirs excessifs et qui tout aussi intentionnellement renonce à l’exercice et au soin que réclament de lui, comme deux aspects de son humanité, l’âme et le corps. « Goinfre » ou « ventre loir’ », il est l’homme de la convoitise et des désirs insatiables. Cet excès le condamne. Son mal n’est pas dans le plaisir ou dans la passion mais dans la manière dont il en use. Il faut préciser cependant : de même que la tempérance n’est pas une vertu mais l’art de la mesure présent en toute vertu, l’intempérance n’est pas un vice mais la pratique de la démesure constitutive de tout vice. Elle est en nous le principe d’un mal dont elle détermine les multiples expressions.
On peut sans doute traduire acrasia par incontinence, absence de maîtrise de soi, faiblesse de la volonté à l’égard de l’appétit du plaisir et des passions ; son opposé est alors ce que l’on nomme communément « force de caractère ». Mais, loin d’être une notion purement négative, elle correspond en l’homme a une capacité qui définit son humanité et qui explique pourquoi on ne peut parler d’intempérance pour les bêtes. Si l’homme intempérant est asservi à ses passions, cet asservissement cependant dépend de lui ; il fait du vice une espèce de servitude volontaire. Et si, en se faisant ainsi l’esclave de ses passions, il donne l’apparence d’une conduite déréglée, ce dérèglement se produit lui-même « sous l’influence d’une règle–». Il suppose non seulement une forme d’habileté relative aux moyens de l’action mais encore un raisonnement capable de fournir à celle-ci son armature logique et qui pourra être par exemple : tout plaisir est un bien ; or l’ivresse est plaisante ; donc je bois sans compter.l’homme intempérant