La volonté faible : L'acquisition du caractère
Si nul n’agissait volontairement, il n’y aurait ni bien ni mal et ces mots mêmes :
bon » et « méchant », seraient dénués de sens. C’est pourquoi la détermination morale de la vertu et du vice passe pour Aristote par une analyse de la notion même il’- acte volontaire ». Si l’on convient, avec l’opinion commune, d’appeler involontaire un acte lait sous la contrainte ou par ignorance, alors on appellera volontaire au contraire, «ce |lui| dont le principe réside dans l’agent lui-même connaissant les circonstances particulières au sein desquelles son action se produit», et l’on pourra compter au nombre de ces circonstances l’agent, l’objet de l’acte, ses moyens, le résultat qu’on en attend, enfin la façon dont il est accompli.
Or ces circonstances, personne, à moins d’être stupide ou fou, ne saurait les ignorer toutes à la fois. C’est pourquoi les actions humaines ne peuvent jamais être il nés purement volontaires ou purement involontaires. Même les actions accomplies par impulsion ou par passion « appartiennent à l’homme qui les accomplit ». Elles ne peinent donc pas être dites à proprement parler involontaires. La preuve en est qu’elles nous sont imputées et comptées à charge. L’idée commune selon laquelle certains hommes, en vertu de leur caractère ou de dispositions héritées, sont « faits » pour le vice, n’est pas moins erronée : « c’est par l’exercice des actions particulières qu’ils acquièrent un caractère du même genre qu’elles ». Ou ne nait pas injuste, on le devient. Si les hommes étaient naturellement injustes, ils ne seraient pas coupables d’agir injustement. Il en est de même de la négligence et de la paresse : « en menant une vie relâchée, les hommes sont personnellement responsables d’être devenus eux-mêmes relâchés » ; ce qu’ils paraissent aujourd’hui être par nature, ils l’ont autrefois été par volonté. Considérons encore certaines maladies ou certaines infirmités corporelles : chacun blâmera celui qui devient obèse par inaction ou aveugle par abus du vin ; chacun donc tiendra ces maladies et ces infirmités non pour des états dont la cause serait hors de nous mais pour des conduites dont le principe est en nous. Il n’en est pas autrement de notre caractère: loin d’expliquer nos actions, il en résulte. Ensemble d’habitudes contractées et non de propriétés héritées, il implique de notre part, au moins « au finir », le choix répété de nous conduire d’une certaine façon et le consentement anticipé a ce qui est en réalité bien plus qu’une conduite particulière : un « genre de vie », un style d’existence, une façon permanente d’être l’homme qu’on est Qu’on ne puisse pas, ensuite, changer à son gré son caractère, que l’on s’enfonce toujours davantage dans le vice comme, symétriquement, l’on progresse toujours davantage dans la vertu, c’est ce qui oblige à dire, non que le vice et la vertu sont naturels, mais que l’habitude agit comme une seconde nature.La volonté faible