La philosophie contemporaine : Critiquer, connaître, comprendre
La critique de la raison et de l’idéalisme
Cette perspective historique de la philosophie contemporaine est confirmée par le fait que celle-ci est essentiellement une philosophie critique : la critique de la raison, de l’idéalisme, de la notion moderne de sujet, de la culture sont autant d’aspects récurrents. La rationalité, au XXe siècle, est mise en crise. On s’interroge sur ses fondements, on soupçonne qu’elle ne puisse plus porter un projet d’émancipation. L’idéal des Lumières – celui d’une raison permettant le progrès est obscurci. Les mathématiques et la logique voient leurs fondements remis en cause. La science elle-même est bouleversée par des changements majeurs et critiquée. La philosophie, sous les coups des nouvelles sciences et du positivisme, considérée comme une métaphysique spéculative qui ne peut plus concurrencer l’activité scientifique, est démantelée. Certains parlent d’un âge postmoderne (Jean-François Lyotard, 1924-1998 ; La Condition postmoderne, 1979) pour caractériser la situation de la philosophie contemporaine.
Il n’en reste pas moins que cette distinction est relativement volatile et qu’on lui accorde de moins en moins de valeur. D’une part, les philosophes « analytiques » se laissent eux-mêmes tentés par des constructions métaphysiques (Goodman, Whitehead) ; d’autre part, les deux traditions reconnaissent qu’elles partagent, de fait, les mêmes objets d’interrogation : le langage, l’action… Par ailleurs, la philosophie analytique est elle-même plurielle. Par exemple, La deuxième philosophie analytique critique la prétention de parvenir à des propositions analytiques absolument claires. Enfin, on ne voit pas ce qui fonderait de telles traditions nationales à l’époque où, justement, les auteurs et les courants ne cessent de dialoguer entre eux.
Les métamorphoses de la vérité
La philosophie, comme pensée rationnelle réflexive, a pour question cardinale le problème de la vérité. C’est en ce sens qu’elle se distingue d’ailleurs de la science. La géologie, les mathématiques, la physique sont des sciences particulières en ce qu’elles étudient un objet spécifique (la terre, les nombres, la nature) selon une méthode qui leur est propre. La philosophie vise la connaissance comme telle. Elle ne se réduit pas à une activité de découverte de vérités partielles et de résultats positifs comme tel savant s’y consacre dans le cadre restreint de sa science particulière mais aspire au contraire à comprendre l’acte de connaissance en tant que tel. Il ne s’agit pas de découvrir des vérités mais de fonder la possibilité de la vérité. Il n’y a pas de philosophie qui ne réponde peu ou prou à la question : comment connaît-on ? Toute philosophie vise à fonder la connaissance, c’est-à-dire à assurer rationnellement la légitimité et la possibilité de la vérité en tant que telle. La vérité est au cœur de la philosophie. Cette question est l’ossature principale des développements contemporains.
L’essor considérable des sciences depuis le XIXe siècle et des sciences humaines au XIXe siècle cet incroyable progrès est une des caractéristiques essentielles de notre époque – s’est accompagné du positivisme .
Vous avez dit « positivisme » ?
On doit le terme de « positivisme » à la philosophie d’Auguste Comte (1798- 1875). Contre les spéculations théologiques et métaphysiques, il défendait l’idée que la science véritable devait réduire ses prétentions à ne connaître que les relations observables entre les phénomènes (formulées sous forme de lois) et renoncer à la recherche des raisons ultimes du monde comme à celle des causes véritables des phénomènes.
En comparaison des résultats positifs considérables des sciences, le positivisme relègue la philosophie au rang d’une métaphysique spéculative, d’une forme ancienne et obsolète de connaissance. Certains en prédisent la « fin”… d’autres la réduisent à une forme futile de poésie ! La philosophie sera donc traversée tout au long du siècle par une réflexion critique particulièrement aiguë sur la notion de vérité, réflexion qui aura de nombreux visages : phénoménologie, herméneutique, pragmatisme et qui remettra sans cesse en question la philosophie elle-même. Cette question de la vérité conduira à une philosophie du langage.
Vous avez dit « métaphysique spéculative » ?
Le positivisme condamne la philosophie, qu’il qualifie de « métaphysique spéculative », en affirmant que les problèmes qu’elle développe sont des pseudo connaissances sans fondement.
Philosopher ou comprendre le monde
Des préoccupations épistémologiques des années 1900 (logicisme, philosophie analytique, réflexion sur les évolutions contemporaines des sciences) aux philosophies des dernières décennies, l’intérêt pour les enjeux historiques, moraux et politiques s’est accru de manière remarquable. Réflexive, la philosophie est toujours seconde par rapport à la réalité individuelle, sociale ou historique d’où elle s’élance. Si le savant restreint ses recherches théoriques sans considérer le monde qui l’entoure sans s’interdire de sortir de son laboratoire : Einstein fut président de la Ligue internationale des droits de l’homme en 1928 , le philosophe, lui, est profondément raccordé au monde de la vie. C’est ce monde de la vie qui le provoque ; ce sont les problèmes du monde de la vie auxquels il réfléchit. Certes, il ne cherche pas ;i trouver des solutions pratiques – le temps de la pensée n’est pas celui de l’invention technique, de l’engagement partisan ou de la production d’œuvres. Comme le dit Hannah Arendt, dans un très beau propos :
La philosophie a pour tâche de comprendre le monde. Elle est au plus près de son temps. Elle habite le cœur du siècle. En ce sens, la philosophie contemporaine s’est opiniâtrement posé la question de savoir quel est ce siècle inédit que nous vivons. Telle est justement la seconde ligne de force de la philosophie contemporaine. Elle est tout entière saisie par le siècle qui la porte. Nous sommes à la hauteur de notre époque et de notre siècle à condition de les comprendre. Dans cet esprit, nous pouvons dire que toute philosophie qui ne s’arrimerait pas aux événements significatifs du XXe siècle ne mériterait pas le nom de “philosophie contemporaine”. Ainsi, la diversité foisonnante des auteurs, des écoles comme des écritures, l’enracinement dans l’histoire passée de la philosophie, la question de la vérité et du langage, l’aspiration à la compréhension du monde du XXe siècle sont les quatre grands traits de la philosophie contemporaine.
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