Le roi prédateur, Catherine Graciet et Éric Laurent
Après avoir mis à nu le pouvoir tunisien en dénonçant les crimes commis contre l’humanité et la corruptibilité des gouverneurs et créé de la sorte une polémique à travers son livre coécrit avec Nicolas Beau s’intitulant « La régente de Carthage », Catherine Graciet s’est tournée à présent vers le Maroc.
« Le roi prédateur » ! , c’est ainsi que s’appelle le nouvel essai de Catherine Graciet et d’Éric Laurent. Le titre n’est pas moins provocateur aux yeux du gouvernement marocain que le contenu. Dans ce livre, les deux auteurs ont mis l’accent sur l’enrichissement suspect du roi Mohamed VI notamment suite à son entrée spectaculaire au classement des monarques les plus riches du magazine Forbes en 2009 avec le rang de 7ème. Le ton remontait au fil des lignes et l’image du roi tant vénéré par son peuple se tâchait graduellement par la couleur funeste de l’illusion. Insistant sur le règne omni-monopolistique, les auteurs ont déclaré noir sur blanc que Mohamed VI est devenu « le premier banquier, le premier assureur, le premier agriculteur » au Maroc. Le livre dévoilait la rapacité masquée d’un roi qui figurait dans l’habit d’un pilleur illicitement autorisé puisque tout ce qui est produit dans ses usines dopées est consommé par ses ouvriers anémiques. Visiblement, sa majesté s’enrichissait aux dépens de ses citoyens loyaux comme l’énonçaient les deux auteurs à travers la comparaison entre le rang élevé du roi dans le classement des richards et la place arriérée de son royaume dans le classement onusien. Selon les dires d’Éric Laurent, l’économie marocaine souffre énormément d’une sclérose chronique qui est due au détournement de fonds qualifié de « hold-up » ou encore de « prise de contrôle » et à l’affairisme du roi et de son entourage (Le Makhzen) ; Il est à noter que les subventions d’État et des fonds de coopération, françaises ou européennes restent exclusivement attribuées aux sociétés royales. D’autre part, l’enquête démontrait que le népotisme dont a été victime des entrepreneurs étrangers a aggravé la situation du pays en l’engouffrant dans une autarcie entrepreneuriale toujours sous un blackout infaillible assuré essentiellement par la censure.
Entre salaires royaux, subventions et dons, les richesses du Maroc allaient vers l’épuisement. Le livre dénonce le gaspillage des ressources et la passivité prudente du parlement lors de la redistribution du budget annuel. Les caprices d’ordre ostentatoire évoqués dans le livre ont dépassé toutes les prévisions atteignant parfois l’inimaginable.
En effet, l’essai ne s’attarde pas longtemps sur les faits purement historiques puisque l’analyse des faits est l’objet même de l’enquête. Cependant, l’effort analytique des coauteurs est remarquable, ce qui leur valait inévitablement la censure de quelques feuillets publiés préalablement dans le quotidien espagnol El Pais.