Feuilleter les journaux : la vigilance s'impose
Le secret de l’efficacité réside dans une approche résolument minimaliste de la lecture. Evitez de trop lire, et surtout fuyez la linéarité que nous avons apprise à l’école : commencer par le premier mot de la première phrase, lire du début à la fin sans jamais rien sauter… Pour le lecteur actif, le texte documentaire n’est pas une succession de lignes mais une banque de données, et il convient de l’aborder comme une surface pour aller plus rapidement à l’information, là où elle se trouve.
La première opération de lecture consiste à feuilleter rapidement les journaux ou revues et à cocher un certain nombre d’articles potentiellement intéressants. Une chance : le journal est élaboré de manière à favoriser ce mode d’exploitation. Mais encore faut-il que le lecteur sache utiliser ces aides de manière optimale, en évitant en particulier de tomber dans quelques pièges qui l’amèneraient à passer trop de temps sur autre chose que ce dont il a strictement besoin.
Vous disposez de trois types d’aides, qui vous seront données par tout ce qui, dans le journal ou le texte, frappe immédiatement les yeux. C’est ce que nous nommerons ici les aspérités du texte :
Première aide
L’architecture d’ensemble du journal. Elle se matérialise notamment par la présence de rubriques : véritable colonne vertébrale du support de presse, les rubriques constituent des points de repère fixes et rassurants dans une actualité changeante, et donc potentiellement un peu « déstabilisante » pour le lecteur. Elles reflètent le projet éditorial, et il n’y a rien détonnant à ce que l’international occupe les premières pages du Monde, et inversement à ce que la multiplication des rubriques locales constitue le plus clair du menu des quotidiens régionaux. Le simple examen des rubriques permet de définir rapidement les choix du support. Par ailleurs, elles se trouvent toujours à la même place : avec un peu d’habitude, elles vous aideront à aller vite aux types d’informations qui vous intéressent, d’autant plus que leur mention figure en « titre courant », la plupart du temps en tête de page.
Le sommaire reflète et complète les indications données par le rubriquage. Dans certains cas, il est sélectif et ne renvoie qu’aux articles jugés les plus importants par la rédaction. Plus complet et plus systématique ailleurs, il continue cependant de refléter les choix de hiérarchisation des informations du journal (la plupart des hebdomadaires). Par ailleurs, il peut exister des sommaires partiels ou complets, en tête d’une rubrique ou d’un dossier. Dans tous les cas, la présence de ces tables des matières est d’autant plus précieuse que les titres des articles sont informatifs et que leur annonce est parfois accompagnée d’un rappel de leur message essentiel. Enfin, un hebdomadaire comme L’Expansion accompagne son sommaire de la liste des principales entreprises citées dans le numéro avec l’indication de la page : pratique pour faciliter le repérage, mais hélas limité à 30 ou 35 grands organismes !
Une précaution importante : n’oubliez jamais que le journal sélectionne les informations (il en garde certaines et en élimine d’autres) et les hiérarchise (il en valorise certaines au détriment d’autres) en fonction de sa propre ligne éditoriale, qui ne correspond que rarement à la logique de votre propre besoin en informations. C’est une des raisons pour lesquelles vous élaborez votre revue de presse à partir de plusieurs journaux ; c’est aussi pourquoi il faudra éviter de vous laisser piéger par les informations mises en avant dans la construction du support de presse : il se peut qu’une brève apparemment anodine ait plus de prix pour vous que des articles mis en valeur.
La deuxième aide
Est constituée par les titres des articles. Dans la presse, ils sont habituellement informatifs, c’est-à-dire constitués d’un thème et d’un prédicat : or l’ensemble thème (= ce dont on parle) + prédicat (= ce qu’on dit du sujet) constitue l’unité élémentaire de l’information. Souvent organisés autour d’un verbe d’action (les auxiliaires être et avoir étant habituellement sous-entendus), les titres journalistiques sont dynamiques et indiquent normalement le message le plus important que souhaite délivrer le rédacteur :
« Le gouvernement américain tente d’éviter la cartellisation du secteur aérien » ;
« Les syndicats de la CNP partagés sur la privatisation partielle ».
Dans une brève, les titres peuvent manquer. A ce moment-là, les premiers mots du texte sont souvent composés en gras : ces mots clés constituent des indices importants, mais ne comportent pas toujours l’ensemble thème + prédicat qui informe vraiment ; il faudra alors poursuivre la lecture un peu plus avant pour identifier ce dont il s’agit :
« ENSO/STORA : la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie sur la fusion » [etc. en maigre] : ce début, imprimé en gras, informe ;
tel n’est pas le cas des premiers mots de cette autre brève : « SIEMENS : le géant allemand de l’électronique » [etc. en maigre].
Les sous-titres – que les professionnels appellent aussi accroches, surtout s’ils sont un peu longs2 – prolongent et précisent
l’information donnée dans le titre. Ce sont donc encore des « aspérités » précieuses à prendre immédiatement en compte, comme en témoigne l’exemple suivant :
« Les taux tombent à un niveau historique en Europe »
L’optimisme règne sur les marchés obligataires européens en raison de l’afflux de liquidités et de l’éloignement des craintes inflationnistes. En revanche, les cambistes japonais broient du noir. Le yen a un nouvel accès de faiblesse
Ensuite, ce sont les intertitres qui frapperont peut-être votre regard. Mais, attention au piège que représentent parfois ces aspérités d’un genre un peu spécial ! En effet, contrairement à ce que croient parfois les lecteurs, leur rôle n’est pas de structurer les parties ou sous-parties du texte : ils sont là pour créer un stimulus visuel qui vient éclairer la grisaille monotone du texte ; c’est pourquoi leur place est dictée par des impératifs de mise en page et non par des exigences logiques. Par ailleurs, ils ont pour fonction d’inciter le lecteur à poursuivre sa lecture : ils n’indiquent donc pas nécessairement l’information la plus importante des paragraphes qui suivent, mais représentent plutôt une espèce d’hameçon, d’autant plus efficacement incitatif que la formulation est très elliptique, ce qui invite à lire plus loin pour trouver l’explication. Prudence donc devant ces faux amis, risquant de vous entraîner à lire beaucoup plus que ce dont vous avez besoin.
Une consolation quand même : votre corpus sera souvent composé de revues spécialisées. Or on constate que ces supports ont tendance à fonctionner sur le modèle de textes plus classiques ; le titrage et l’inter titrage s’y apparentent au fonctionnement de documents administratifs ou universitaires.
La troisième aide
vous sera fournie par la répartition des textes en différents genres journalistiques. Toujours dans le souci d’éviter la monotonie, les journaux multiplient des types d’articles différents, qui ne se situent pas au même niveau, n’ont pas le même statut ni la même importance, tout en se complétant souvent : ainsi, une information pourra être fournie dans un article de fond, analysée dans un commentaire et même donner matière à l’éditorial, qui est le lieu où la rédaction du journal s’engage et donne son opinion ; un papier d’ambiance, voire une interview, pourront s’y rajouter.
Le lecteur non initié peut se perdre dans l’apparent désordre de cette variété ; pour vous au contraire, elle constituera une aide, dans la mesure où vous aurez compris que chaque texte répond à un objectif précis et différent des autres : l’article de fond informe, le commentaire ou l’éditorial explique et évalue, le portait ou le papier d’ambiance répond à la nécessité de développer l’intérêt humain du sujet. Vous en tiendrez donc compte pour organiser votre propre sélection et votre parcours de lecture.
Ici, l’aide visuelle est apportée par les différences de présentation typographique qui soulignent le statut particulier des articles et qui demeurent constantes d’un numéro à l’autre. Soyez attentif aussi à la présence éventuelle de signatures, notamment pour l’éditorial, mais pas seulement pour lui.
Après avoir feuilleté les journaux de votre corpus en vous fondant sur ce que nous avons appelé les aspérités, vous allez exploiter les articles que vous avez cochés. Il s’agira maintenant :
- d’y trouver la présence d’une information précise que vous cherchez, par exemple la mention de votre organisme, le nom d’une personne précise, celui du patron de l’entreprise ou d’un partenaire commercial, etc… Pour cela, vous pratiquerez une lecture de repérage.
- d’évaluer l’intérêt réel de tel article et de déterminer si vous le conservez – ou pas – dans votre revue de presse. Vous utiliserez alors la technique de l’écrémage.
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