De la guerre totale : Les guerres napolèoniennes
Les guerres napoléoniennes, qui bénéficieront de sa formidable armée, intensifieront les caractères de la guerre révolutionnaire. Dans le chapitre qu’il consacre à la distinction entre la « guerre absolue » et la « guerre réelle », Clausewitz dit que c’est avec Bonaparte que la guerre prit son caractère absolu. Le fait sera aussi remarqué par Marx : dans La Sainte Famille, celui-ci écrit à propos de Napoléon qu’« il accomplit le terrorisme en remplaçant la révolution permanente par la guerre permanente ». Les théories de François de Guibert (Essai général de la tactique, 1770) ont eu sur Napoléon une influence décisive : mener une guerre à outrance et vivre sur le pays traversé. Témoin de ces événements, Hegel1 note le passage de la guerre ancienne où le singulier regardait l’adversaire dans les yeux et le tuait dans l’émotion immédiate, à la guerre moderne où la mort est donnée et reçue de façon vide dans l’impersonnalité de la fumée des fusils et des canons. Pareillement Nietzsche, on l’a vu, reconnut avec les guerres napoléoniennes l’entrée dans un nouvel âge de la guerre.
En outre, si les guerres napoléoniennes virent leur terrain d’action limité à l’Europe et au Proche-Orient, leurs répercussions se firent sentir jusqu’au bout du monde, en Inde et en Amérique du Sud; en ce sens, elles constituent bien la première guerre mondiale.
Pourtant, malgré ces précédents historiques, la quasi- totalité des spécialistes pensent que la guerre ne devient réellement totale et mondiale (les deux caractères allant de pair) qu’avec la Première Guerre mondiale, et, singulièrement, à partir de 1917, avec l’intervention américaine. La nouveauté de la catastrophe n’échappa pas aux contemporains : c’est pourquoi le conflit fut rapidement appelé Grande Guerre de part et d’autre du Rhin. Pour la première fois depuis le début de l’Histoire, tous les continents de la planète furent engagés (et pas seulement impliqués) dans une bataille interminable et par ailleurs d’une intensité sans précédent. Après l’armistice, G. Batault publia un livre intitulé La Guerre absolue. H. Lémeny écrivit en 1931 De la guerre totale à la paix mutilée. Enfin, c’est à partir de cette Grande Guerre qu’Ernst Jünger pourra dire : la guerre découvre les éléments propres de la Totalité.
1914. Pour la première fois, les cloches de toutes les églises de France sonnent la mobilisation générale. Presque aussitôt, le processus de libéralisation économique mondial enclenché depuis près d’un demi-siècle est enrayé : la mondialisation de la guerre stoppe la mondialisation. En perdurant au-delà de ce qui avait été initialement prévu dans les états-majors, la guerre devient totale car elle finit par mobiliser toutes les forces industrielles et technologiques des nations en lutte. Une guerre rapide (comme celles qui se déroulaient à travers les classiques « batelas») n’avait pas le temps d’atteindre cette extension. Par ailleurs, les deux armes emblématiques du XXe siècle font alors pour la première fois leur apparition : le tank et l’avion. Ni répit ni rémission : alors que les Grecs cessaient le combat pour les rencontres sportives (les trêves olympiques), alors que les chevaliers du Moyen Age devaient déposer les armes au moment des fêtes religieuses (la trêve de Dieu), entre 1914 et 1918, il n’y aura ni trêve olympique ni trêve de Dieu. C’est la guerre totale de 1914-1918 qui constitue la matrice de l’imminent totalitarisme sous ses deux formes, fasciste et communiste, en lui fournissant ses trois thèmes centraux : le culte de la mort par le sacrifice, la fusion de l’individu dans la collectivité et la naissance de l’homme nouveau. En deux siècles, de 1618 à 1815. soit du début de la guerre de Trente Ans à la bataille de Waterloo, les guerres européennes, toutes confondues, avaient causé la mort de 8 millions et demi d’hommes. En quatre ans seulement, la Première Guerre mondiale fera davantage de victimes.
Dans les années 1930, deux théoriciens (et apologistes) de la guerre totale émergent du sein d’une abondante littérature : l’écrivain Ernst Jünger et le général Ludendorff. En 1931, Jünger publie un petit texte destiné à grande fortune, intitulé La Mobilisation totale. Avant la guerre de 1914, constate-t-il, les mobilisations en temps de guerre n’étaient que partielles. A la guerre des chevaliers, à celle des souverains, succède désormais la guerre des travailleurs. Autre innovation capitale : la guerre n’est plus seulement, ni même d’abord, un affrontement entre des hommes, elle est devenue un affrontement entre les hommeset la technique. Même les États-Unis, pourtant État non militaire, se sont mobilisés totalement, constate Jünger .
En outre, si les guerres napoléoniennes virent leur terrain d’action limité à l’Europe et au Proche-Orient, leurs répercussions se firent sentir jusqu’au bout du monde, en Inde et en Amérique du Sud; en ce sens, elles constituent bien la première guerre mondiale.
Pourtant, malgré ces précédents historiques, la quasi- totalité des spécialistes pensent que la guerre ne devient réellement totale et mondiale (les deux caractères allant de pair) qu’avec la Première Guerre mondiale, et, singulièrement, à partir de 1917, avec l’intervention américaine. La nouveauté de la catastrophe n’échappa pas aux contemporains : c’est pourquoi le conflit fut rapidement appelé Grande Guerre de part et d’autre du Rhin. Pour la première fois depuis le début de l’Histoire, tous les continents de la planète furent engagés (et pas seulement impliqués) dans une bataille interminable et par ailleurs d’une intensité sans précédent. Après l’armistice, G. Batault publia un livre intitulé La Guerre absolue. H. Lémeny écrivit en 1931 De la guerre totale à la paix mutilée. Enfin, c’est à partir de cette Grande Guerre qu’Ernst Jünger pourra dire : la guerre découvre les éléments propres de la Totalité.
1914. Pour la première fois, les cloches de toutes les églises de France sonnent la mobilisation générale. Presque aussitôt, le processus de libéralisation économique mondial enclenché depuis près d’un demi-siècle est enrayé : la mondialisation de la guerre stoppe la mondialisation. En perdurant au-delà de ce qui avait été initialement prévu dans les états-majors, la guerre devient totale car elle finit par mobiliser toutes les forces industrielles et technologiques des nations en lutte. Une guerre rapide (comme celles qui se déroulaient à travers les classiques « batelas») n’avait pas le temps d’atteindre cette extension. Par ailleurs, les deux armes emblématiques du XXe siècle font alors pour la première fois leur apparition : le tank et l’avion. Ni répit ni rémission : alors que les Grecs cessaient le combat pour les rencontres sportives (les trêves olympiques), alors que les chevaliers du Moyen Age devaient déposer les armes au moment des fêtes religieuses (la trêve de Dieu), entre 1914 et 1918, il n’y aura ni trêve olympique ni trêve de Dieu. C’est la guerre totale de 1914-1918 qui constitue la matrice de l’imminent totalitarisme sous ses deux formes, fasciste et communiste, en lui fournissant ses trois thèmes centraux : le culte de la mort par le sacrifice, la fusion de l’individu dans la collectivité et la naissance de l’homme nouveau. En deux siècles, de 1618 à 1815. soit du début de la guerre de Trente Ans à la bataille de Waterloo, les guerres européennes, toutes confondues, avaient causé la mort de 8 millions et demi d’hommes. En quatre ans seulement, la Première Guerre mondiale fera davantage de victimes.
Dans les années 1930, deux théoriciens (et apologistes) de la guerre totale émergent du sein d’une abondante littérature : l’écrivain Ernst Jünger et le général Ludendorff. En 1931, Jünger publie un petit texte destiné à grande fortune, intitulé La Mobilisation totale. Avant la guerre de 1914, constate-t-il, les mobilisations en temps de guerre n’étaient que partielles. A la guerre des chevaliers, à celle des souverains, succède désormais la guerre des travailleurs. Autre innovation capitale : la guerre n’est plus seulement, ni même d’abord, un affrontement entre des hommes, elle est devenue un affrontement entre les hommeset la technique. Même les États-Unis, pourtant État non militaire, se sont mobilisés totalement, constate Jünger .