Le sens de la guerre
Si l’on excepte les quelques rares individualités qui y ont trouvé le sens de leur existence, jamais la guerre n’a été considérée comme une fin en elle-même : on ne fait pas la guerre pour faire la guerre – c’est la raison pour laquelle la métaphore du jeu, si souvent utilisée, lui convient mal. Cela dit, la même chose pourrait être affirmée de la paix qui, elle non plus, n’est pas faite pour elle-même, malgré ses évidents avantages.
L’apologie de la guerre est un thème littéraire plutôt que philosophique. Elle fait mouvoir des ressorts plus affectifs que rationnels. L’apologie est un mode extrême de donation de sens – c’est pourquoi une étude des justifications de la guerre doit commencer par elle.
Le juste a une dimension juridique et une dimension morale, longtemps confondues. Alors que l’apologie de la guerre fait usage d’exemples, la justification rationnelle repose sur des arguments. La théorie de la justification de la guerre fut (et demeure) un travail décisif en matière philosophique et juridique.
Ce que l’on appelle le « droit de la guerre » se subdivise en jus ad bellurn (« droit pour la guerre » en latin) et en jus in bello (« droit dans la guerre » en latin). Le jus ad bellum cherche à définir les conditions d’une guerre juste, le jus in bello, ce qu’il y a de juste dans la guerre. Deux questions, par conséquent, enclenchent la réflexion sur le droit de la guerre : De jure condito – à quelles conditions est-il juste de faire la guerre ? De jure contendo – à quelles conditions la guerre que l’on fait est- elle juste ?
Dans L’Espoir, André Malraux écrit que s’il y a des guerres justes, il n’y a pas d’armée juste. Tout le monde en conviendra,car les exemples historiques abondent en ce sens. Cela dit, il existe des armées plus ou moins aveugles et barbares – le jus in bello cherchera à déterminer les conditions pour qu’une guerre, fût-elle juste, soit menée avec les moyens les moins cruels et les moins aveugles possibles.
Mais s’il faut justifier la guerre, cela signifie qu’au départ, en soi, la guerre n’était pas juste. « Justifier », en effet, signifie faire le juste, rendre juste – sous-entendu : c’est par l’injuste que les choses commencent. Il est donc possible d’adopter la position radicale qui fut celle de certains pacifistes : la guerre est injustifiable, toute entreprise de justification est une trahison et une complicité abominables.