La dimension sexuelle de la guerre
La dimension libidinale (sexuelle) de la guerre, la plupart du temps pudiquement tue, ne peut pas ne pas être évoquée. En 1953, Gaston Bouthoul écrivait que « le jeune soldat représente […] le maximum d’attrait érotique pour les femmes». Ce n’est plus du tout vrai à présent, mais cela l’a été jusqu’à une date très récente. La littérature picaresque du XVIIe siècle a souvent représenté le personnage du capitan beau parleur, traîneur de sabre et coureur de filles. Jusqu’en 1914 les femmes ont été particulièrement sensibles à l’armure et à l’uniforme. La virilité du combattant renvoie à sa puissance sexuelle supposée. La psychanalyse a décelé dans les armes, du moins dans les armes offensives, un symbole sexuel : l’épée, le fusil sont des pénis, les explosions, des orgasmes. Dans les luttes au corps à corps, l’excitation sexuelle n’est pas absente. La virilité et le machisme des armées sont d’autant plus exacerbés que les tentations homosexuelles y sont fortes.
Clausewitz distinguait parmi les « puissances morales » présentes dans la guerre «les talents du chef de guerre, les vertus guerrières de l’armée et le sentiment national de celle-ci ». Si le conducteur de char symbolise la guerre des premiers empires, le fantassin (l’hoplite) incarne le soldat des cités grecques marquées par l’idéal d’isonomie ; regroupés en phalange, les hoplites sont les premiers citoyens-soldats de l’Histoire. Ils ont reçu un entraînement intensif et, au combat, ils manifestent un courage collectif nouveau. C’est grâce à eux qu’Alexandre le Grand ira jusqu’à l’Indus. Le citoyen-soldat fut l’élément central qui permit plus tard à la république romaine d’acquérir l’hégémonie. A partir de ce modèle, Machiavel sera le premier penseur à voir dans les vertus militaires des vertus civiques. Avec la naissance de l’État moderne en cette époque de la Renaissance, l’identification à la nation remplace petit à petit l’identification à la caste ou au rang. Le soldat sera désormais investi d’une mission à laquelle il pourra se sacrifier : défendre la terre maternelle, sa patrie. Il n’est pas exagéré de parler à ce sujet de religion laïque.
La « guerre du peuple » des révolutionnaires se démarque des « guerres nationales » et a été presque toujours pensée contre elles. La psychologie du combattant ne peut être que différente dans les deux types de combat. Le guérillero n’est ni un guerrier ni un simple soldat ; il réalise dans une certaine mesure la synthèse de ces deux figures : à la différence du soldat, il est volontaire ; à la différence du guerrier, il ne voue pas son existence entière à la lutte violente.