L'évolution de la guerre : L'organisation militaire
L’organisation militaire est généralement figurée par un cône dont la base serait constituée par les soldats, les sections supérieures à la base, les grades de l’armée dans l’ordre ascendant, jusqu’au sommet du cône dont la pointe serait le commandant en chef . Cette image est, aux yeux de Tolstoï, une fiction parce que l’acte exécuté à la base ne se rattache en rien à la pensée, c’est-à- dire plus justement à l’ordre donné au sommet du cône. Jamais un ordre, un commandement, c’est-à-dire une expression du pouvoir que s’attribue le chef de guerre, ne parvient à la réalité. Kn fait, il n’est pas d’ordre qui puisse être exécuté : « ce n’est pas Napoléon qui dirigeait la bataille car aucun point de son dispositif n’a été exécuté et, pendant la bataille, il ne savait pas ce qui se passait devant lui. En conséquence, le fait que ces hommes se sont entretués n’a pas été déterminé par la volonté de Napoléon, mais s’est produit en dehors de lui, par la volonté de centaines de mille hommes qui prenaient part à l’affaire. Napoléon croyait seulement que tout se faisait par sa volonté
Il existe un fait historique simple qui donne raison à Tolstoï : les plus grands stratèges de l’histoire – Hannibal, Napoléon – ont tous étés vaincus. Cela n’est pas d’ailleurs seulement à comprendre comme le signe de la vanité de la stratégie, certains y voient une preuve de la vanité historique de la guerre . Pour Tolstoï, ce n’est pas le projet qui conduit à l’événement, mais l’événement qui conduit rétrospectivement au projet. C’est dans un sens analogue que Bergson parlera de « mouvement rétrograde du vrai » à propos de la naissance de la démocratie : nous croyons, à tort, à des événements précurseurs parce que nous partons d’un présent qui n’existait pas encore dans le passé. Le futur, selon Bergson, n’est pas développement d’une virtualité contenue dans le présent mais création d’imprévisible nouveauté.