Le sens de la guerre : Au début du XIIIe siècle
Au début du XIIIe siècle que furent formulés les cinq critères classiques de la guerre juste rangés sous les rubriques persona, res, causa, animus, et auctoritas. La personne : celui qui fait la guerre doit être du siècle, et non pas ecclésiastique ; l’objet : la guerre doit être faite pour reprendre des biens ou défendre la patrie ; la cause : le caractère du dernier recours (on doit combattre par nécessité, une guerre n’est juste que si tous les autres moyens pour régler le conflit entre les deux puissances adverses ont été épuisés) ; l’esprit : la guerre ne doit pas être faite par haine, ni par insatiable cupidité mais dans l’intention de rétablir la paix (elle doit, en outre, avoir pour elle une chance raisonnable de succès : c’est la clause de « l’espoir raisonnable ») ; l’autorité : sans la légitimité du pouvoir du prince, la guerre ne peut pas être décidée, déclarée et conduite.
Cette notion de « prince », dépourvue de toute équivoque dans le droit romain en raison même de la simplicité des structures politiques de l’Empire, ne pouvait manquer de faire problème lorsqu’il fallut l’appliquer à la complexité du monde médiéval. Convenait-t-il de réserver cette qualité à l’empereur ou au pape, l’attribuer aussi aux rois, aux autorités responsables des États urbains, à l’immense variété des pouvoirs féodaux ? Parmi les plus restrictifs, certains auteurs n’étaient pas loin de réserver au pape et à l’empereur Yauctoritas suffisante pour déclarer la guerre ; mais d’autres auteurs, plus nombreux, accordaient cette même auctoritas aux rois indépendants, comme ceux de France et de Castille, aux rois qui, à un moment ou à un autre, avaient reconnu un supérieur temporelet même aux cités italiennes. C’est partiellement en fonction du critère de l’autorité qu’impatiens distinguait sept types de guerre, dont quatre justes ou licites et trois injustes ou illicites : premièrement, la guerre romaine (bellum romanum), prototype de la guerre juste, qui est la guerre des fidèles contre les infidèles et qu’on appelait ainsi parce que Rome est la tête et la mère de la foi ; à la limite, la guerre romaine, qualifiée aussi de guerre mortelle, reprenant le combat de la Rome antique contre les Barbares, est une guerre totale où les ennemis n’ont pas à être épargnés ni libérés contre rançon mais peuvent être légitimement tués ou réduits en esclavage ; deuxièmement, la guerre judiciaire (bellum judiciale), elle aussi juste, dans la mesure où elle est faite par l’autorité d’un luge qui, détenteur du pouvoir complet, pur, ne juge pas en fonction de son intérêt propre mais en vue d’imposer l’ordre judiciaire à ceux, rebelles ou contumaces, qui s’opposent à son légitime pouvoir ; troisièmement, la guerre présomptueuse (hélium presomptuosum), injuste, car menée par ces rebelles et ces contumaces ; quatrièmement, la guerre licite menée par l’autorité légale ou avec sa permission pour redresser des torts, repousser des injures subies par un pouvoir subordonné : ainsi un baron châtiant un ennemi qui l’a lésé, après avoir obtenu de son souverain, de façon explicite ou implicite, le droit de mener cette guerre ; cinquièmement, la guerre téméraire ou illicite menée contre le juge ; sixièmement, la guerre volontaire, autrement dit offensive, ni nécessaire ni juste, menée par les pouvoirs séculiers sans l’autorité du prince ; enfin, septièmement, l’action de ceux qui se défendent contre une guerre du type précédent, action nécessaire et licite car toutes les lois et tous les droits permettent de s’opposer à la force par la force.